

Moscou sur oubangui
Opinion par Max-Olivier Cahen, Ancien Conseiller du Maréchal Mobutu Auteur d’un mémoire intitulée « Stratégie d’expansion et d’hégémonie de l’intégrisme islamique en Afrique Sub-saharienne ». A l’approche des élections Présidentielles de Décembre 2025, le Président Faustin-Archange Touadéra se fait désirer. Ayant la ferme intention de se présenter pour un troisième mandat, il laisse le soin à ses affidés de lancer sa campagne à travers la « Coalition Touadéra 2025 ». Entre une dictature qui ne dit pas son nom et la mise sous coupe du pays par Wagner, les perspectives d’avenir de la Centrafrique restent sombres. Depuis qu’elle a obtenu son indépendance en 1960, la République centrafricaine, nation frappée constamment par la pauvreté, malgré son sous-sol regorgeant de richesses n’a connu que des régimes dictatoriaux, Sans aucune exception, tous les dirigeants de la Centrafrique depuis l’indépendance, que ce soit David Dacko, Jean-Bédel Bokassa, André Kolingba, Ange Félix Patassé, le Général François Bozizé sont arrivés au pouvoir, ou ont fini renversés lors d’un coup d’État militaire. Rien qu’au cours des années Patassé, la RCA a vécu au moins 10 tentatives de coups d’État militaires et mutineries de l’armée, tout en étant confrontée à des rébellions quasi permanentes. Le 20 février 2016, à la surprise générale, Faustin-Archange Touadéra, ancien Premier Ministre de François Bozizé de 2008 à 2013 emporte l’élection présidentielle face au banquier Anicet-Georges Dologuélé. Le ralliement de nombreux politiciens pour apporter leur soutien à ce professeur de mathématiques est à ce moment-là porteur d’espoir pour la Centrafrique . A cette époque, la RCA est toujours en plein chaos suite aux tueries communautaires de 2013-2014. Touadéra, lors de sa campagne électorale a promis de rétablir l’ordre et la sécurité. Si les attaques des groupes rebelles sont plus espacées, le pays reste divisé, nombre de zones sont sous contrôle des groupes armés En l’espace de 10 ans, plus de 12 accords de paix ont été signés mais aucun d’entre eux n’a été capable de ramener la stabilité sociale et politique. Étonnamment, la donne change à partir du moment où la Russie renoue ses relations diplomatiques avec la RCA en 2017. Le processus de Khartoum en collaboration également avec le Soudan est alors lancé. Un premier accord est signé et conclu avec les groupes rebelles en 2018 puis il est suivi par une autre négociation en 2019 avec les 4 groupes rebelles, le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique, Anti-Bakala, le Mouvement Patriotique pour la Centrafrique et l’Union pour la Paix en Centrafrique. L’accord de paix de Khartoum, signé en 2019 entre le gouvernement centrafricain et ces groupes armés entérine le processus de paix entamé depuis 2012. Russian connection A la manœuvre, les russes qui poussent leur pions pour s’implanter en RCA. En fait, tout est parti d’une première livraison d’armes au profit du pouvoir centrafricain, à un prix défiant toute concurrence, en 2018, puis la déferlante russe a commencé. L’opposition qui actuellement est muselée par tous les moyens possibles et les experts s’accordent pour dire que les accords de Khartoum, ont été signés sous l’instigation de Prigojine qui a contraint Touadéra d’aller à Khartoum pour parapher cet accord avec les groupes armés. Non seulement il l’a forcé à intégrer les groupes armés dans son gouvernement, mais lui a imposé un deal au détriment de l’Etat centrafricain en ce qui concernait l’exploitation de l’ensemble des ressources de celui-ci : Wagner prélevant 30 %, les groupes armés 30% et l’Etat 40% ». La RCA est donc devenue le laboratoire expérimental de Wagner et sa plus belle réussite. Le pays a été mis sous coupe réglée, mines d’or, de diamants, manganèse, uranium et exploitation forestière. Cerise sur le gâteau, le Président Touadéra a nommé Dmitri Podolsky, haut gradé de Wagner comme Conseiller Présidentiel à la Sécurité, donnant ainsi à Moscou un gage supplémentaire de sa fidélité. Le 16 janvier dernier, le Président s’est rendu à Moscou pour rencontrer le Président Poutine afin de le remercier pour l’efficacité de Wagner qui assure sa sécurité et celle du pays et ainsi réaffirmer que les énormes ressources centrafricaines étaient à la disposition des partenaires russes. Durant son séjour, des protocoles d’accords ont été signés par les Ministres des Mines et de l’Agriculture. Il ne fait aucun doute que Moscou n’est plus sur la Moskova mais sur l’Oubangui. La Russie a profité de sa prise de contrôle effective du gouvernement Touadéra pour s’emparer des ressources naturelles de la RCA. Wagner s’empare graduellement de toutes les mines exploitables. Par exemple, l’octroi de concessions minières stratégiques, comme celles d’Idere-Baboua et de Nassima, donne un monopole à Wagner sur l’or centrafricain. De même, l’exonération d’impôts accordée aux entreprises liées à Wagner, comme Heavy Industrial et Général Ressource, montre que l’alignement des autorités locales avec les intérêts russes est totale. Le Président Touadéra ferme les yeux sur les exactions et violences des hommes de Wagner. Celles-ci concernent principalement les exécutions d’orpailleurs illégaux et la fixation de prix inférieurs au marché pour le rachat de l’or. Il s’agit, en fait, de la mise en place d’un contrôle particulièrement violent et exclusif des ressources. Ce modèle de prédation économique, instauré depuis 2018, sera prolongé sans aucun doute avec une possible transition des activités de Wagner vers l’Africa Corps, la nouvelle structure plus institutionnalisée, qui sévit au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Lybie et dans d’autres pays et qui est directement rattachée à Moscou. Un autre pays s’est également positionné en RCA, le Rwanda d’abord principal contributeur des casques bleus de la Minusca, Kigali a déployé des troupes supplémentaires à la demande de Touadéra, et une série de nouveaux protocoles ont été signés en juillet 2024, dans les domaines de la santé, du commerce et des mines. A ce jour, plus de cents entreprises rwandaises sont installées dans nombre de secteurs. Le Rwanda avec la Russie et la Chine est un des plus grands acteurs du secteur minier. En un mot pour assurer la pérennité de son régime, le Président Touadéra vend l’économie et la souveraineté de son pays. Il permet aussi à la Russie de disposer d’une base arrière en Afrique centrale pour accroître son influence. Dans une dernière initiative à la fois, sécuritaire et diplomatique, dont il a le secret, le Président Touadéra à entrepris des négociations avec le Patron des Emirats Arabes Unis Mohamed Ben Zayed al-Nayhan et avec Vladimir Poutine pour établir des sites militaires pour les deux pays qui seraient couplés, bien entendu à la présence de forces militaires supplémentaires sur son territoire. Renforçant encore plus la main-mise russe. Un Etat failli Lors de son élection, le Président, Touadéra a trouvé la RCA dans une situation catastrophique à tous les niveaux. Aujourd’hui, force est de constater que celle-ci s’est encore détériorée au niveau du développement socio- économique et humain. Elle est classée au 191e rang sur 193 pays de l’indice du capital humain et du développement humain. La population vit dans une pauvreté extrême. Selon le Bureau de l’ONU pour les Affaires Humanitaires (OCHA), plus ou moins 2,8 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire. Si la RCA a un des taux de fécondité les plus élevés au monde, le taux de mortalité maternelle demeure un des plus dévastateurs et le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est le sixième le plus élevé au monde. Quand à l’espérance de vie, elle ne dépasse pas 53 ans, homme et femme confondus. De même, la RCA est un des pays qui affichent un des plus faibles indicateurs d’instruction. En un mot Touadéra a récupéré un Etat dans le chaos et en a fait un Etat failli. Sûr du soutien des Russes et du Président Poutine, le Président Touadéra prépare sa réélection, fort de sa réforme constitutionnelle de 2023 lui garantissant un mandat de 7 ans au lieu de 5 ans, il ne prend plus de gants avec l’opposition Des dirigeants de l’opposition, comme le député Dominique Yandocka, ont été emprisonnés malgré leur immunité parlementaire. Des militants des droits civils, comme Crépin Mboli Goumba, ont été arrêtés pour diffamation et outrage à magistrat pour avoir dénoncé des faits de corruption impliquant quatre juges et le ministre de la Justice. Les partis d’opposition sont interdits de rassemblement et discrédités par des campagnes de désinformation les accusant de soutenir des groupes armés rebelles. Dans un contexte régional sous tension, la guerre civile au Soudan, les combats au Kivu entre le M-23/AFC et les FARDC congolaises et la percée des groupes Djihadistes, la Centrafrique se trouve au centre d’une zone de déstabilisation et ne tient que grâce aux mercenaires russes et rwandais. On ne peut les appeler autrement à partir du moment, où leur intervention est liée aux pillages des ressources du pays. Le président Touadéra est responsable d’avoir accordé ce mandat à Wagner et dans une moindre mesure aux Rwandais, ce afin de rétablir l’autorité de l’Etat qui malgré tout ne contrôle pas tout le territoire, mais au détriment du peuple centrafricain. La République Centrafricaine avec sa position géostratégique au centre de toutes les zones de tensions, celle du Sahel avec le Tchad, celle de l’Afrique de l’Est avec les deux Soudan, celle de l’Afrique centrale avec la RCD, le Congo- Brazzaville et le Cameroun, est un chaudron prêt à exploser ! six groupes de rebelles peu satisfaits des accords menacent de reprendre les hostilités. Les conséquences seraient dévastatrices pour l’ensemble de la région. Le prochain mandat de Touadéra s’annonce tout aussi sombre que le premier.
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Sherpa: Sofia VANDENBROECK Review:, Albert FALL Correction: Catherine KHOZLOF Photo : LUDOVIC MARIN / Credit: AFP
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